mardi 13 mars 2018

#Projet3Mois - Episode 2 - Qui est le père de Louis Joseph VALENTIN ?

Pour ce deuxième épisode de mon #Projet3Mois sur Catherine VALENTIN, je vais essayer de répondre à la question "Qui est le père des deux premiers enfants de Catherine ?". En effet, en 1788 et 1790, Catherine donne naissance à deux fils, nés de père inconnu. Cette question est d'autant plus importante que l'ainé, Louis Joseph, est mon aïeul. Malheureusement, faute de déclaration de grossesse et de reconnaissance, même tardive, je ne peux aujourd’hui qu’établir des hypothèses… 


Le point de départ : 5 enfants pour combien de pères ?


Dans l’état actuel de mes recherches, Catherine VALENTIN a eu 5 enfants de 1788 à 1802 :
  • Louis Joseph VALENTIN, né de père inconnu le 25 août 1788 à Lüe (Hayes),
  • Joseph VALENTIN, né de père inconnu le 22 octobre 1790 à Lüe (Hayes),
  • Jean Jacques REGULIER, fils de Jacques REGULIER, né le 9 novembre 1792 à Lüe (Hayes),
  • Jean Augustin REGULIER, fils de Jacques REGULIER, né le 10 Ventôse An 4 (29/02/1796) à Lüe (Hayes),
  • Marguerite GASNER, fille de Nicolas GASNER, née le 4 Floréal An 10 (24/04/1802) à Bronvaux,


Elle avait 27 ans à la naissance de son fils ainé et 41 ans à la naissance de sa fille, Marguerite.



Catherine VALENTIN s’est d’abord mariée avec Jacques REGULIER avant de divorcer, puis de se remarier avec Nicolas GASNER. Finalement, elle finira sa vie avec Jacques REGULIER, son légitime époux… mais ceci est une autre histoire qui fera l’objet de prochains articles.

Afin de déterminer les différents prétendants au rôle de père des premiers enfants de Catherine, j’ai d’abord essayé de reconstituer le contexte social du domaine de Lüe ou vivait la famille VALENTIN.


Essai de reconstitution de la structure sociale du château de Lüe


A la veille de la Révolution, la propriété de Lüe est située dans la paroisse de Hayes, à moins de deux kilomètres du village et de son église.

Carte de l'Etat-Major (1820-1866) Source : Géoportail - IGN


Le Château de Lüe (Source : Delcampe)
Le château appartient à la famille JOBAL qui l’a acquis en 1749. Le propriétaire est Joseph François Louis JOBAL, né à Metz le 26 mars 1746. Il était lieutenant-colonel des chasseurs de Languedoc puis colonel des chasseurs des Trois Évêchés pendant la guerre de Sept Ans (BEGIN, 1930; GAIN, 1925).

Pour avoir une idée de la population qui vivait au château de Lüe à la veille de la Révolution française, je dispose d'une source principale : les registres paroissiaux et d'état-civil. J'ai également pu consulter le recensement de 1810 qui donne une petite idée de la hiérarchie sociale de cette période.

Le tableau suivant synthétise l'ensemble des informations en ma disposition.

  • En "haut" de l'échelle sociale, on retrouve la famille JOBAL, propriétaire du château et des terres.
  • Viennent ensuite Bernard VALENTIN, garde de Lüe, puis les fermiers ou admodiateurs qui avaient en charge la gestion des terres agricoles (familles HURLIN/BOGENEZ). 
  • La famille JOBAL faisait appel également à un économie, un concierge et à un jardinier pour gérer le parc et le château.
  • Enfin, en me basant sur recensement de 1810, on peut estimer que le château nécessitait la présence d'une quinzaine de servantes et domestiques.  
Nous arrivons donc à une trentaine d'habitants à Lüe.

La piste du prénom des deux enfants naturels


Revenons au sujet de notre article.

Lorsque Catherine met au monde ses deux enfants naturels en 1788 et 1790, elle choisit de les appeler Louis Joseph et Joseph. Le prénom Joseph revient donc à chaque fois (Registres paroissiaux de Hayes). Au hasard d’un tweet de Sophie Boudarel, j’apprends que dans certains cas, la mère décidait de donner le prénom du géniteur, ne pouvant donner le patronyme du père biologique. Alors, est-ce que Catherine a prénommé ses deux fils Joseph comme un signe pour identifier le père ? C’est possible.

Dans cette hypothèse, j’ai essayé de retrouvé toutes les personnes qui vivaient à Lüe et qui portaient le prénom « Joseph » en 1788. Hormis le frère de Catherine, j’ai retrouvé deux hommes :
  • Joseph HURLIN, âgé de 29 ans. Il est fermier à Lüe, et ami de Bernard Valentin 
  • Joseph François Louis JOBAL, propriétaire du château et des terres, âgé de 40 ans. 
Concernant Joseph HURLIN, je ne suis pas certain qu’il s’agisse du père des deux enfants. Certes, il est célibataire en 1788 et a le même âge que Catherine. Pourtant, s'il s'avérait être le père, il se serait marié avec Catherine, car il avait a priori le même niveau social que la famille VALENTIN. Par ailleurs, il reste ami de Bernard VALENTIN. Je ne pense pas qu’étant donné les faits, il le soit resté.

Il reste Joseph François Louis JOBAL. Il est âgé de 40 ans, n’est pas marié et vit à Lüe ou à Metz. L'analyse de l'acte de baptême du premier enfant de Catherine me fait dire qu'il est très probable qu'il soit le père naturel de celui-ci, Louis Joseph. Louis Joseph est né le 25 août 1788 à Lüe et il a été baptisé le même jour (AD57 - 9NUM312ED1E3). Le parrain de l’enfant est choisi dans la famille proche, puisqu’il s’agit de Joseph VALENTIN, frère de Catherine, et oncle de l’enfant. Logiquement, l’enfant doit s’appeler Joseph. Pourtant, le prénom Louis est ajouté au prénom du parrain. Je n’ai trouvé aucun « Louis » dans la famille de Catherine ou parmi les proches, excepté Joseph François Louis JOBAL… Dans cette hypothèse, Bernard VALENTIN ne pouvait rien dire, puisque c'est M. JOBAL qui l'employait.

Acte de baptême de Louis Joseph V(W)ALENTIN (AD57 - 9NUM/312ED1E3, Vue 187)


Sous l'Ancien Régime, en Moselle, il existe des cas où la mère-célibataire attaquait devant la Justice Seigneuriale le père biologique de l'enfant. On retrouve ainsi des cas de servantes demandant réparation auprès de leur maître. Pour autant, le nombre de femmes demandant réparation est bien faible car une action en justice demande des moyens financiers conséquents et expose la femme et sa famille à une enquête au cœur même de la communauté d'habitants (KIEFFER, 2008). On imagine alors que dans ce cas, la seule solution reste de ne rien dire...


Jacques REGULIER pouvait-il être le père des deux enfants ? 


Il reste l’hypothèse « Jacques REGULIER ».

Jacques REGULIER, domestique de M. JOBAL, est le premier époux de Catherine VALENTIN. Ils se marient à Hayes le 11 octobre 1791. Lors de cette union, son père, Bernard VALENTIN, est présent, ainsi que Joseph HURLIN (ami) et Joseph VALENTIN (frère de Catherine).

Je ne pense pas que Jacques REGULIER était le père de Louis Joseph. En effet, le mariage entre le père biologique et la mère des enfants naturels étaient généralement des mariages de "réparation" qui permettaient de régulariser des situations peu tolérées à cette époque. Si Jacques REGULIER avait été le père, il aurait reconnu les enfants.

Conclusion


En conclusion, les quelques indices que j’ai à ma disposition me permettent d’émettre l’hypothèse que Joseph François Louis JOBAL est peut-être le père des deux premiers enfants de Catherine VALENTIN. Je n’ai rien d’autre qui puisse confirmer ou infirmer mon hypothèse. Cependant, j'ai quelques maigres indices et une intuition. Pas très scientifique tout cela, mais la généalogie garde sa part de mystères... Je n’ai également aucun élément me permettant de savoir ce qu’il s’est passé : un amour interdit entre deux personnes d’un niveau social différent ? Un abus de la part de M. Jobal ? Il me reste cependant à dépouiller les archives judiciaires en espérant y retrouver d'autres indices... Si vous connaissez d’autres pistes que je n’aurais pas exploitées, n’hésitez pas à m’en faire part en commentaire ! 

Dans le prochain chapitre, nous partirons en Mayenne pour retracer les origines de Jacques REGULIER. Vous découvrirez notamment que son père a vraisemblablement était emprisonné à la prison de Craon et a réussi une évasion digne d’un roman ou d’un film. 

Sources


Académie nationale de Metz, 1911. Mémoires de l'Académie nationale de Metz. 548p. Metz, Imprimerie Lorraine.

BEGIN Emile-Auguste, 1830. Biographie de la Moselle ou histoire par ordre alphabétique de toutes les personnes nées dans ce Département, qui se sont fait remarquer par leurs actions, Volume 2. Veronnais, Metz. 580p.

GAIN André, 1925. Liste des émigrés, déportés et condamnés pour cause révolutionnaire du département de la Moselle. Les Arts Graphiques, Metz.

KIEFFER Jean, 2008. Destins de femmes - La condition des femmes des campagnes lorraines avant la Révolution. Ed. Serpenoise. 142p.


Archives Départementales de la Moselle :

  • Commune de Hayes. Recensement de 1810, issu des archives communales (AD57 - 312ED1F1)
  • Paroisse de Hayes. Registres paroissiaux BMS (Arch. Dép. de la Moselle, 9NUM-312ED1E3). 

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